Les qualités d'un bon architecte

Philibert Delorme, le plus grand architecte français du XVI° siècle, auteur notamment des châteaux des Tuileries de Saint-Germain en Laye, à :Madrid (à Neuilly), de la chapelle d'Anet expose une conception humaniste de l'architecte:

""qu'il ne soit du tout ignorant de la Philosophie, des mathématiques ni aussi de l'histoire, pour rendre raison de ce qu'il fait, et connaître les causes art progrès d'une chacune chose appartenant à à l'Architecture; qu'il entende aussi la portraiture pour faire voir par figures et dessins les œuvres qu'il aura à faire (...) Qu'il connaisse certaines règles de philosophie naturelle, pour savoir discerner la nature des lieux, les parties du monde, la qualité des eaux, des régions, assiettes et propriétés des vents, la bonté des bois, des sables, et le naturel des pierres, afin de les faire tirer en temps propre, et connaître celles qui sont bonnes à faire la chaux, la tuile (...).

II serait très bon que l'architecte eût été nourri en sa jeunesse en son art, et qu'il eût étudié aux sciences qui sont requises en architecture, comme bien entendu l'arithmétique, en sa pratique et sa théorie, la géométrie aussi en théorie, mais plus en pratique (...); surtout il doit bien entendre la raison des symétries, pour donner les mesures et proportions à toutes choses, façades des maisons ou toute autre partie des bâtiments. II sera aussi fort bon qu'il ne soit du tout ignorant de la théorie de la musique, pour savoir représenter l'écho et faire résonner et ouïr la parole et la voix, aussi bien de loin que de près, ce qui est chose requise dans les temples et les églises, pour les prédications qui s'y font et les psaumes ou autres choses qui s'y chantent ou profèrent. II en est de même pour les auditoires où l'on plaide, les théâtres où se récitent et jouent comédies, tragédies, histoires et semblables actes, afin que ceux qui sont loin puissent entendre aussi bien que ceux qui sont prés.

Philibert Delorme, Mémoire sur sa vie et ses œuvres, cité par A. Denieul-Cormier, La France de la Renaissance, Arthaud éd., p. 394