L'idée
de nation se fait véritablement jour avec la Renaissance, la conviction
d'avoir une armée « nationale » n'est pas encore de mise. Et la
guerre, comme le commerce ou l'industrie textile, est affaire de
professionnels, quelle que soit leur origine. Une bataille aussi symbolique
que celle de Marignan oppose ainsi 23 000 lansquenets allemands, 8 000
Basques et Gascons au service de François 1er à un adversaire dont le gros
de l'armée est composé de 8 000 Suisses.
Les chefs de guerre, ainsi en Italie, principal champ de
bataille européen de la Renaissance, sont des hommes sous Condotta (d'où le
nom de condottiere), un contrat qui mentionne les montants des gages et le
nombre des soldats à recruter. Ils connaissent leur métier, sont le plus
souvent fidèles à leur employeur, mais sont pris dans un réseau de
contradictions. Faire une guerre trop meurtrière entame leur outil de
travail, détruire radicalement un adversaire peut provoquer, à terme, leur
ruine, faute de futurs combattants..
.
Les puissances, villes ou Etats qui les payent connaissent aussi le dilemme
de trop devoir à leur champion, d'être sous sa coupe ou de redouter sa
trahison et de tomber alors sous celle de l'ennemi. D'autant que pour un
condottiere if n'y a rien de déloyal, à l'issue d'un contrat, à servir le
camp adverse. Mais il est de règle de ne pas perdre sa réputation en
trahissant en cours d'engagement, quel que soit le jeu subtil de la
confiance et de la défiance, de la gloire et du rejet.
Pour un
Gattamelata (qui a toujours sa statue à Padoue) d'une fidèlité sans faille à
Venise, il y a aussi Carmagnole, traître â la Sérénissime contre le duc de
Milan, arrêté, jugé et décapité en 1432. Le plus célèbre, Bartolomeo
Colleoni (également statufié à Venise par Verrocchio) est général en chef
des armées vénitiennes.
Il possède, à sa
mort, une fortune estimée à 240000 ducats d'or, soit ,une somme comparable à
l'héritage de Cosme de Médicis, l'un des hommes les plus fortunés de son
temps. Une autre belle réussite reste celle de Francesco Sforza, condottiere
au service de Milan, qui épouse la fille du duc Filippo Marie, Visconti et
devient duc à son tour.
Florence
aussi garde mémoire de deux de ces seigneurs de la guerre avec leurs
effigies funéraires dans la cathédrale, celles de l'Anglais John Hawkwood
(Giovanni Acuto)
Pippo Spano
Fresco transferred to wood, 250 x 154 cm
Galleria degli Uffizi, Florence
et de Niccolô da
Tolentino, vainqueur de la décisive bataille de San Romano contre Sienne.
La formation des
Etats nationaux met fin à l'époque glorieuse des grands mercenaires, mais
les .plus doués, souvent originaires des pauvres régions montagneuses
d'Europe, trouvent toujours à s'enrôler dans les armées européennes. Malgré
la condamnation prononcée par Machiavel: « Les mercenaires et auxiliaires
ne valent rien et sont fort dangereux ; et si un homme veut fonder
l'assurance de son Etat sur les forces mercenaires, il ne sera jamais
soutenu ferme, car elles sont désunies, ambitieuses, sans discipline,
déloyales, braves chez les amis, lâches devant l'ennemi, elles n'ont point
de crainte de Dieu ni de foi avec les hommes, et l'on ne diffère la défaite
qu'autant qu'on diffère l'assaut ; en temps de paix, tu seras pillé d'eux,
en temps de guerre, des ennemis. »
Francesco Petrarch (1304 - 1374
La guerre, à la
Renaissance comme à toutes les époques, a un coût considérable, qui grève
les finances des princes et des Etats naissants. La généralisation de la
vénalité des Offices doit ainsi aux besoins financiers croissants des
souverains, qui n'ont d'autre moyen pour rembourser leurs dettes, la
pérennité de cette taxe déguisée qui caractérisera l'époque moderne.